L’Éducation nouvelle
http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article339
Roger Cousinet in L’éducation nouvelle. Delachaux & Niestlé - 1968
(...) Je crois le moment venu d’exposer ce système qu’est l’éducation nouvelle, de manière que ceux qui l’attaquent sachent ce qu’ils attaquent, que ceux qui la défendent sachent ce qu’ils défendent. Je souhaite qu’on ne l’accuse plus de crimes ou d’erreurs qu’elle n’a jamais commis, mais qu’on ne la fasse pas non plus bénéficier d’une indulgence dont elle n’a pas besoin. Elle est un système qui se tient, et qu’il faut accepter ou rejeter. Encore une fois le principe admis, tout le reste en découle par nécessité.
Mais il en est exactement ainsi de la pédagogie traditionaliste. Partant du principe que l’enfance ne
sert qu’à préparer l’âge adulte et que l’éducateur a tout pouvoir pour effectuer, assurer, hâter cette préparation, en dépit même de la résistance de l’enfant sur qui il exerce une action légitime, elle tire de ce principe toutes les conséquences qui y sont incluses. Elle veut être, elle a toujours voulu être un système cohérent. Elle se veut entièrement acceptée ou entièrement rejetée. Elle s’est modifiée sans doute dans la pratique au cours des temps (comme la pédagogie nouvelle se modifiera), elle a cherché à perfectionner l’action de l’éducateur pour lui donner plus d’efficacité, mais elle n’a jamais ébranlé même le principe de la légitimité de cette action. Même, ainsi que je viens de le dire, quand elle s’annexe aujourd’hui une “ méthode active ”, c’est à l’éducateur qu’elle en fait présent, c’est à l’aider dans la tâche qu’elle continue de lui prescrire qu’elle lui permet de l’utiliser.
L’éducation nouvelle part d’un principe exactement opposé. Elle nie tout ce qu’affirment les traditionalistes ; ce qu’elle affirme le plus énergiquement, les traditionalistes le déclarent irrecevable. Nous nous trouvons en présence de deux systèmes irréductiblement opposés l’un à l’autre. A l’éducateur de choisir.


Et, par conséquent, le rôle de l’éducateur est tout autre. Il n’a plus du tout à guider, à pousser l’enfant vers la sortie de son enfance, il n’a au contraire d’abord et avant tout que le rôle négatif de barrer le passage à tout ce qui pourrait risquer de s’introduire dans son domaine pour lui en troubler la jouissance, lui en disputer la possession, l’empêcher d’être pleinement l’enfant. Il n’est plus l’auteur de l’éducation, il en est le témoin, et le protecteur.
(...) Il nous faut étudier maintenant la pédagogie de celui qui a été le disciple le plus fervent de Rousseau, le véritable continuateur de sa mystique, Tolstoï, qui a tant de points communs avec Rousseau, “ tous deux représentants d’une civilisation ultra-rafinée, tous deux apôtres intransigeants
du retour à la nature ” (R. Rolland). Tolstoï qui écrivait : “ dans tous les siècles et chez tous les peuples, l’enfant est représenté comme l’emblème de l’innocence, de la pureté, du bien, de la vérité et de la beauté. L’homme naît parfait. C’est le grand mot dit par Rousseau et cette parole restera vraie et ferme comme un roc. En paraissant au monde, l’homme représente l’harmonie de la vérité, de la beauté et du bien ”. Avec Tolstoï, ce que j’appelle la mystique de l’éducation nouvelle est désormais solidement constituée. Elle a pour premier principe le respect de l’enfance considérée comme ayant une valeur en soi et ayant la possibilité de se développer jusqu’à son achèvement, après quoi l’enfant passera à une autre phase de son existence, qui aura comme la première, un commencement et une fin.
L’amour et le respect de l’enfance sont universels dans toute l’histoire de l’éducation nouvelle depuis un demi-siècle et nous les verrons reparaître à un très haut degré chez des éducateurs comme Decroly, par exemple, et Mme Montessori. De Rousseau à et Tolstoï viennent deux traits importants qui se réfèrent à l’éducation intellectuelle de l’enfant et que nous allons voir dominer toute l’éducation nouvelle, au point d’en constituer, sous sa forme scolaire, les traits essentiels, d’autant plus que, comme nous le verrons, ils ont été grossis par les courants philosophique et scientifique. Le premier est cette affirmation que l’élément primordial de l’éducation intellectuelle de l’enfant est constitué par son activité personnelle. Il ne faut pas qu’il apprenne la science, il faut qu’il l’invente. Il faut le laisser “ tout toucher, tout manier ”, user incessamment de cette expérience qui “ prévient les leçons ”, le laisser penser au lieu de penser pour lui. “ Comme il est sans cesse en mouvement, il est forcé d’observer beaucoup de choses, de connaître beaucoup d’effets, il acquiert de bonne heure une grande expérience, il prend ses leçons de la nature et non pas des hommes, s’instruit d’autant mieux qu’il ne voit nulle part l’intention de l’instruire ”. C’est déjà presque la fameuse formule de Dewey : “ learning by doing ”. L’apprentissage n’est ni une imitation plus ou moins servile, ni une répétition, ni même un exercice d’imitation (comme les thèmes du même nom), l’apprentissage est une activité qui n’a ni à être mise en branle, ni entretenue par l’éducateur, car elle s’exerce et se développe naturellement toutes les fois que l’enfant juge intéressants et utiles pour lui-
même les objets sur lesquels il s’exerce. L’enfant “ juge, prévoit, raisonne en tout ce qui se rapporte immédiatement à lui ”. Il agit, il explore, il enquête, il découvre, il invente. C’est là la véritable éducation, qui n’a besoin ni de leçons magistrales, ni de livres. Il suffit de placer l’enfant dans un milieu suffisamment riche, suffisamment nourrissant au point de vue intellectuel, pour que spontanément il s’y meuve, et déploie une activité qui lui permette de le connaître sans aucune intervention de l’éducateur. Il observe, il expérimente, il acquiert ainsi à la fois des connaissances scientifiques et il forme en lui-même, ce qui est beaucoup plus précieux, un esprit scientifique. Il apprend à connaître le monde qui l’entoure immédiatement et non conformément à un programme établi par le maître qui décide que tel ou tel objet, tel ou tel phénomène, doivent être observés, mais conformément à son intérêt. Intérêt, observation scientifique, étude du milieu, tout cela se trouve dans la pédagogie de Rousseau.
L’autre trait, qui n’est qu’en germe chez Rousseau, vient particulièrement de Tolstoï et a pris une importance sans cesse grandissante, surtout grâce à Cizek (dessin), à Mme S. Coleman et à Melle M. James (musique) et à d’autres encore. Il s’agit de la liberté à octroyer à l’activité de l’enfant, comme dans le domaine moral et dans le domaine intellectuel, dans le domaine artistique. Nous avons dit la valeur que Tolstoï attachait aux compositions littéraires libres de ses petits élèves, dont on sait qu’il avait publié celles qu’il jugeait les meilleures. Il fallut attendre les premières années du présent siècle pour que son exemple fût suivi.
Roger Cousinet in L’éducation nouvelle. Delachaux & Niestlé - 1968
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