Les principes qui guident l’action des Ceméa
http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article2770]
Depuis leur création, les Ceméa s’appliquent à provoquer un double courant de réflexion comprenant nécessairement :
- une approche théorique qui permet de conceptualiser des pratiques pour les placer dans un espace de réflexion favorable à la confrontation des idées, associé à la recherche pédagogique,
- une approche pratique qui consiste à mettre en œuvre des idées et à en évaluer les effets dans les différents domaines d’activités des Ceméa. Dans ce processus dialectique, les interventions des Ceméa impliquent une démarche qui associe forcément et la détermination de faire, d’expérimenter, et le souci constant de réfléchir sur leurs propres pratiques.
Siège national Ceméa - Association Nationale
- 24, rue Marc Seguin 75883 Paris cedex 18
- Tél. : 01 53 26 24 24 Fax : 01 53 26 24 19
Ce choix à la fois philosophique et pédagogique correspond bien entendu à la détermination permanente des Ceméa d’agir sur le monde, de le transformer et de favoriser ainsi l’épanouissement d’hommes libres et responsables. Ce processus dialectique apparaît donc bien comme une véritable « théorie pratique » du fait social confirmant l’indispensable interaction entre les pratiques et la réflexion théorique. Le militant des Ceméa demeure inévitablement un acteur social, praticien engagé aux différents niveaux des actions qui les concernent. Tout aussi sûrement, il se réfère en permanence à un capital d’idées et d’acquis théoriques accumulés progressivement. La double référenciation ainsi nommée repose toujours sur un fonds idéologique établi à
partir d’un ensemble de valeurs qui ont conduits historiquement à affirmer « les principes qui guident notre action » (Gisèle de Failly, 1957). Mais que deviennent, dans l’actualité contemporaine, les principes directeurs de notre action ?
Aujourd’hui, dans un contexte socio-économique et culturel tourmenté et parfois perturbé où nous sommes fondés à nous interroger sur le sens de notre action, nos valeurs et nos principes demeurent pertinents et en parfaite adéquation avec la réalité. Nous les avons régulièrement confrontés à nos pratiques et aux apports successifs des sciences de l’éducation. Les connaissances nouvelles dans ce domaine, complétées par les apports de la psychanalyse en particulier, ont au fur et à mesure de notre évolution permis de vérifier que nos valeurs et nos principes conservent toute leur validité aujourd’hui. Nous continuons à intervenir pour promouvoir une éducation et une culture pour le plus grand nombre, pour développer la responsabilisation, l’autonomie, la socialisation, pour favoriser la liberté, la citoyenneté et la solidarité. Nos idées, nos valeurs fondamentales, les principes directeurs qui les expriment continuent exactement

Tout être humain peut se développer et même se transformer au cours de sa vie. II en a le désir et les possibilités.
S’il existe des déterminismes socio-culturels, ils ne sont certainement pas préétablis et n’affectent pas immuablement les individus. Bien au contraire, l’état actuel des sciences de l’éducation confirme la capacité de toute personne à se développer et à se transformer. Pour répondre au désir de valorisation des jeunes et des adultes, nous développons résolument :
- les procédures d’individuation et les processus de responsabilisation et d’autonomie de la personne,
- les situations d’échanges et d’aides au sein des groupes,
- les formes d’apprentissages qui se construisent à partir de l’activité et du milieu. C’est assurément au nom de ces valeurs que nous pourrons prétendre une véritable pédagogie de la réussite. Nous nous référons ainsi aux valeurs de liberté et d’égalité auxquelles l’homme aspire, qui se manifestent par notre attachement et notre action pour les droits de tous à l’éducation, à la justice, à la culture, aux loisirs, à l’emploi, à la santé...

II n’y a qu’une éducation. Elle s’adresse à tous. Elle est de tous les instants.
La laïcité, pour nous, n’est pas neutralité. Elle est un engagement constant pour la liberté de conscience, d’expression, pour l’émancipation et le combat contre toutes les formes d’obscurantisme et toutes les aliénations. L’éducation « s’adresse à tous », garantit par ailleurs la déclaration de « l’éducation pour tous », c’est une valeur fondamentalement républicaine. Cela signifie aussi notre attachement à la convention internationale des droits de l’enfant et notre action visant à promouvoir et à garantir ces droits. Est affirmée ici la globalité de l’éducation tant dans sa complémentarité de tous les moments de la vie à travers toutes les activités, que dans une complémentarité des différents espaces éducatifs (école, famille, loisirs) qui pourraient s’inscrire dans un projet éducatif local.
Notre action est menée en contact étroit avec la réalité.
Le contact avec la réalité implique la prise en compte de l’état actualisé des connaissances scientifiques, sociales, culturelles, économiques et des éthiques. Etre citoyen, faire l’apprentissage de la démocratie, agir pour le respect et la dignité, c’est avant tout accepter et revendiquer pour l’ensemble de nos interventions une prise en compte, et une analyse de la réalité de notre environnement politique, social, économique, culturel, relationnel. C’est à cette condition essentielle que notre action prendra du sens puisque ne se situant pas dans un isolat pédagogique, permettant ainsi de travailler à rendre chaque individu plus conscient de son environnement afin de pouvoir agir dessus.
Tout être humain, sans distinction d’âge, d’origine, de convictions, de culture, de situation sociale a droit à notre respect et à nos égards.
Notre respect et notre confiance s’adressent à ce qu’il y a de plus profond chez l’individu, non à l’image superficielle ou aux représentations qu’il donne de lui-même. La première conséquence sera donc pour nous de rechercher la qualité dans tous les domaines de notre travail, quel que soit le public concerné, au-delà des difficultés matérielles, qui pourraient conduire à se satisfaire d’une éducation au rabais. L’interprétation de ce principe nous autorise en seconde conséquence à reconnaître que respect de l’être humain et idéal social se rejoignent dans le même courant humaniste. Il convient donc, dès lors :
- d’éviter les abandons, les exclusions, la démagogie et, dans le même temps, de s’adapter aux intérêts et aux rythmes individuels,
- de conduire une lutte de tous les instants, car l’ouverture à la différence et au dialogue avec l’autre n’est pas une inclinaison spontanée des conduites humaines.
Enfin, on ne peut que réaffirmer l’importance de la double injonction induite par ce quatrième principe :
- Respect d’opinion, car si une idée peut être rejetée, combattue celui qui la véhicule a droit à notre respect.
- Respect des minorités qui confirme surtout notre option laïque au sens de liberté de conscience et d’impartialité positive.

Le milieu de vie joue un rôle capital dans le développement de l’individu.
S’il est fondamental de reconnaître l’importance du patrimoine génétique propre, unique pour chacun, il est tout aussi fondamental d’affirmer le rôle du milieu dans le développement de l’individu. Chaque individu est unique ; chaque individu est semblable aux autres et différent en même temps ; chacun aspire à la ressemblance et à la différence.
Le milieu de vie joue un rôle capital : ceci souligne la nécessité pour l’éducateur d’agir dans la transformation sociale et matérielle du milieu : cet enrichissement rendra possible la valorisation des potentialités de chacun. Comme dans toute situation éducative trois pôles interagissent :
- le milieu avec ses composantes,
- la personne avec ses besoins et désirs exprimés et/ou potentiels,
- l’éducateur avec sa personnalité, son projet et sa capacité à faciliter la mise en relation de la personne et du milieu.
Pour comprendre, explorer, s’approprier, transformer le milieu, il s’agit donc de privilégier les facteurs d’apprentissage de la socialisation de l’individu dans un groupe, de préparer chacun à vivre dans des groupes sociaux, ethniques... variés dans la richesse d’une société multiculturelle. L’atteinte de ces objectifs nécessite :
- une volonté politique et sociale d’intégration,
- le développement de véritables solidarités entre les différents groupes sociaux, dans des espaces transitoires, relais permettant aux personnes d’élaborer des outils, des démarches facilitant la construction ou la reconstruction d’une identité sociale. Ces valeurs de solidarité (plurielles dans un quartier, internationales avec les populations exclues des richesses du monde actuel) sont aujourd’hui essentielles. Il nous est difficile d’admettre qu’une personne qui n’a pas eu la chance de naître dans un milieu plus favorisé que le sien ne puisse espérer atteindre la position sociale et professionnelle à laquelle ses capacités et son travail lui permettent légitimement d’aspirer. Nous revendiquons pour elle le droit à l’excellence.

L’éducation doit se fonder sur l’activité, essentielle dans la formation personnelle et dans l’acquisition de la culture.
Ce principe fonde l’ensemble de nos actions et, en réfutant la dissociation de l’intellectuel et du manuel, confirme notre conception de globalité de l’activité, de la nécessité pour l’être humain de s’investir totalement. L’activité est globale, l’être y est tout entier engagé. Il y a en lui des potentialités qui se concrétisent dans la réalisation d’activités les plus diversifiées possibles. Le milieu de vie affectif et matériel, doit rendre possible la satisfaction de ses intérêts et par là développer sa personnalité sous tous ses aspects. L’activité permet aussi le développement de capacités nouvelles propres à assurer un accroissement de la maîtrise de l’environnement de la part de l’individu, un enrichissement à la fois moteur, affectif, cognitif et social de ses propres capacités. L’activité est centrale dans notre action. Les évolutions récentes des modalités de pratiques d’activité qui se sont diversifiées, segmentées, nous ont conduit à en préciser le sens. La nouveauté d’une activité, sa pratique ne sont pas le garant de sa valeur, de sa richesse. D’autre part, il ne peut être question de rejet de tel ou tel type d’activité. Ce qui en fonde l’intérêt, c’est la manière dont nous appréhendons ces nouvelles activités à la lumière de nos conceptions.
Tout ceci induit donc un va-et-vient entre théorisation et pratique, sans dissociation. L’intervention du formateur est définie comme une aide à poser les questions, sans inculquer des vérités toutes faites ou des réponses pré-formées ; c’est à la fois l’approche d’une éducation à l’autonomie et une manifestation de la laïcité.
L’expérience personnelle est un facteur indispensable du développement de la personnalité.
La prise en compte de l’histoire personnelle est un facteur indispensable dans l’éducation. La conflictualité constitutive de l’être humain s’inscrit dans les significations successives, personnelles ou collectives, inédites ou héritées, qui font de sa vie une histoire. La réappropriation même contradictoire de cette histoire toujours singulière et sociale, fonde la possibilité d’un projet et d’un avenir. Elle constitue l’être humain comme sujet d’un désir qui le transforme. L’expérience personnelle comprise comme la capitalisation des conduites et des actions vécues et analysées est éminemment formatrice. Elle constitue pour l’être humain la véritable attestation de son voyage dans les apprentissages à partir d’un projet d’abord strictement individuel. Accompagnée d’une indispensable réflexion, chaque pratique crée de nouveaux besoins, fait surgir des projets nouveaux et ressentir la nécessité d’apprentissages, contribuant ainsi à l’appropriation des connaissances et au développement personnel. A la confluence de ses pratiques et de sa réflexion, c’est l’acquisition de savoirs et de savoir-faire mais c’est aussi la certitude d’une construction personnelle de son savoir-être d’une création originale de sa personnalité.
Parmi nos certitudes, la laïcité.

Nous avons parfois de la difficulté à identifier nous-même ce qui caractérise nos valeurs et nos principes dans nos modes d’action, dans nos outils pédagogiques. C’est- à-dire à définir les conditions à travers lesquelles nous transposons ces valeurs dans la vie quotidienne, dans l’action éducative, sociale, que nous mettons en œuvre. Ce qui, en quelque sorte, nous fonde en acte. Il y a donc lieu de veiller particulièrement à ce que nos interventions, pour convaincre et emporter l’adhésion, puissent s’appuyer sur des actions d’évaluation et de recherche qui les rendent fiables, et mobiliser autour les penseurs comme les scientifiques.

Texte écrit après le congrès des Ceméa de Strasbourg en 1992 et diffusé aux militants dans la publication interne au mouvement : Repères et actions
Siège national Ceméa - Association Nationale
- 24, rue Marc Seguin 75883 Paris cedex 18
- Tél. : 01 53 26 24 24 Fax : 01 53 26 24 19
Nessun commento:
Posta un commento